Scientia et virtus. Un commentaire anonyme de la Consolation de Boece. Introduit et publié par Sándor Durzsa (A MTAK közleményei 5. Budapest, 1978)

6 manuscrit de Budapest qui prouvera qu'en dehors du chant 9 du livre ni, on peut trouver d'autres éléments importants dans le texte, qui sont susceptibles de nous rapprocher de la connaissance des circonstances de sa composition. Comme nous avons déjà indiqué, les premiers commentaires de la Consolation furent rédigés à l'époque carolingienne. Il serait cependant erroné de supposer que les commentateurs carolingiens eussent été trompés par la tradition chrétienne qui considérait Boèce comme le martyr de la foi. Dès l'époque caro­lingienne, on a remarqué le caractère laïque de la Consolation et les idées non chrétiennes dont elle se fait l'écho. Certains auteurs carolingiens ont engagé une polémique sur certaines thèses de la Consolation et ont manifesté clairement leurs réserves. e e Nous pouvons dire, en somme, qu'aux IX et X siècles, la Consolation était l'objet de vifs débats dont les commentateurs n'ont conservé que de faibles échos pour la postérité. Ils ont reconnu et souligné les thèses de Boèce qui sont les plus empreintes de platonisme, et s'ils n'ont pu explorer les sources exactes de ces idées, ils n' en ont pas moins senti que l'enseignement de Boèce n'est aucunement orthodoxe. Les premiers commentateurs qui, comme par exemple Remi d'Auxerre, approuvent sans aucunne réserve toutes les thèses de la Consolation, s'engagent eux-mêmes dans la dangereuse voie de l'hérésie. L'élan des commentateurs de la Consolation se ralentit pendant le XI e siècle. Nous ne savons pas si cela est à attribuer au déclin général de la culture ou bien au déclin du crédit de Boèce. Une expression de l'atmosphère défavo­rable pour Boèce de l'époque est une déclaration d' Othlo de Saint-Emmeram, maître du XI siècle qui condamne ainsi l'étude de la dialectique et de la philo­sophie: "Peritos autem dico magis illos, qui in Sacra Scriptura quam qui in dialéctica sunt instructi; nam dialécticos quosdam ita simplices inveni, ut omnia Sacrae Scripturae dicta iuxta dialecticae auctoritatem constringenda esse decerne­rent magisque Boethio quam sanctis scriptoribus in plurimis dictis crederent." Et ailleurs, le même maître écrit ce qui suit: "Maior enim mihi cura est legendo vel scribendo sequi sanctorum dicta, quam Platonis vel Aristotelis ipsiusque etiam Boetii dogmata."(7) Au XII siècle, que nous avons caractérisé plus haut comme "aetas Boethiana", l'étude de la Consolation prit naturellement un grand essor. Nous connaissons, jusqu'ici, cinq commentaires qui furent composés pendant ce siècle. Le plus original et le plus remarquable du point de vue du contenu est l'oeuvre de Guillaume de Conches, dont le texte intégral n'a pas encore été publié et que nous ne connaissons que par une analyse du siècle passé et par les études de Courcelle.(8) Le commentaire de Guillaume est une oeuvre complète qui s'étend sur toute la Consolation. Sa méthode consiste tantôt a s'attacher étroitement au texte de la Consolation en se limitant à de brèves gloses, tantôt à faire de longues digressions qui pourraient passer pour des traités à part. Selon la biographie et le prologue qui introduisent le commentaire, Boèce était indubita­blement chrétien, mais l'auteur ne connaît pas la légende de son martyre. Se­lon lui, il a dû mourir parce que, s'appuyant sur sa grande autorité, il tenait tête à la tyrannie de Théodoric qui 1' a mis en accusation à titres fictifs et 1' a fait condamner.

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