Janus Pannonius Múzeum Évkönyve (1964) (Pécs, 1965)

Művészettörténet - Hárs, É.: Les monstres du fascisme

LÈS MONSTRES DU FASCISME 333 des barbelés" (pi. VÎII a). Le fugitif a été pris dans un réseau de barbelés et n'a pas pu s'en tirer. — Dans l'imagination du spectateur ap­paraît le front, les barbelés des positions. Le mort chez Martyn nous fait penser aux mal­heureuses victimes de la guerre. En 1945 Martyn a reproduit 9 feuilles des „Les monstres du fascisme" sur une toile de grand format. Tout ce que les dessins avaient suggéré séparément apparaît ici dans un vas­te ensemble: l'enchevêtrement des corps hu­mains et des corps d'animaux, le rat mort sus­pendu à une corde, les gueules monstrueuses prêtes à tout dévorer, les dents pointues, les cornes crochues s'alignent dans le cadre d'une seule composition. Des animaux totemistiques des religions ancestrales, des figures hideuses de diables gothiques y apparaissent encore une fois pour résumer et rehausser la force suggestive de la série de dessins. La technique est ici aussi celle de l'art graphique, mais le pinceau y a été manié avec plus de douceur et avec un effet plus pittoresque. Cette grande toile à l'huile sur laquelle l'artiste évoque en­core une fois toute la galerie de monstres en les convoquant devant la justice, termine une époque de Martyn, celle de la représentation des horreurs de la guerre. Toutefois le mons­tre ne disparait pas de sa peinture. Seule sa forme extérieure a changé, le fond ne varie pas: c'est la dénonciation de la présence des forces malignes, de la méchanceté, la protesta­tion contre le guerre. Lorsque la paix se trouve menacée par les nuages de l'agression, la figu­re du monstres, ..le spectre de la guerre" ré­apparaît dans l'oeuvre de l'artiste. C'est en 1936, à Paris que Martyn avait peint pour la première fois le cavalier apocalyptique de la destruction en train de passer au-dessus de Collioure aux eaux doucement bleues. A cette époque le monde progressiste était tenu en haleine par les événements de la guerre civile espagnole. Martyn reprit la composition en 1956 sous une forme légèrement différente. Le paysage — mer, voilier, souvenir estompé d'une lontaine ville — renvoit à l'ancienne vision (pi. X.). Le milieu du tableau est occu­pé par le monstre gigantesque gui est mêlé au paysage, à la mer, aux montagnes, à la ville. Sa forme bizarre épouse leur forme, la ligne noire qui cerne son corps renferme aussi les éléments du paysage. Le monstre évoluant est accompagné d'hommes dont la figure se fond aussi dans le monde qui les entoure. La repré­sentation du groupe de plusieurs vues, ainsi que la superposition de éléments, donnant au spectateur la sensation de l'espace, élargit l'unité close de la composition. Les hommes qui suivent le monstre tiennent Heu d'une foule, ce sont peut-être des soldats conduits par le monstre sur le champs de bataille. Ce­pendant devant la première tête an poing s'élève en l'air: la protestation de l'humanité, la volonté des masses à sauvegarder la paix. La toile fait naître une série d'associations sans fin dans le spectateur. Ce qui s'y exprime de façon concrète c'est la présence du fantô­me de la guerre, le monstre qui remplit l'hom­me de terreur, qui se cache dans les monta­gnes, sur la baie, que se mêle à toute la vie. Les rapports de l'espace, le caractère du paysage et la corrélation des figures correspondantes assurent ici l'unité de la conception. A travers l'ordre rhytmique des éléments horizontaux et verticaux et la beauté du paysage on reconnaît le peintre devenu maître dans les études de la nature et les compositions construites. En cherchant des oeuvres conçues dans un esprit apparenté nous retombons sur Goya et son monstre dominant le champ de bataille de la série d'eaux-fortes intitulée „Disparates". 3 Chez Goya il n'y a bien entendu pas de super­position, mais l'unité expressive des figures réelles, du paysage et du monstre est ici aussi à chercher dans la manière de la solution ar­tistique. La toile analysée plus haut ne fait pas par­tie des oeuvres datant de 1944. Comme nous l'avons dit elle est à la fois antérieure et pos­térieure à cette époque. Si nous avons tenu à en parler c'était pour mettre en relief la sen­sibilité de l'artiste qui réagit à tous les dan­gers, tous les événements menaçant l'huma­nité. Un des mérites particuliers de Martyn est que cette réaction artistique ne se conten­te jamais d'enregistrer les faits, de décrire les événements. Martyn n'est pas simplement un spectateur dans le monde qui l'entoure, il en participe activement. Ses oeuvres parlent des problèmes de notre époque et cherchent à ex­primer les questions préoccupant la société d'aujourd'hui. Elles sont nées de l'obsession de la guerre, sont les symboles de la terrifian­te réalité du fascisme, et parce que leur vérité artistique est parfaitement authentique, elles ont su garder leur actualité jusqu'à nos jours. n Disparates, feuille № 2.

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