Sources du passé de Budapest 1686-1950 - Budapest Főváros Levéltára forráskiadványai 5.(Budapest, 1971-1973)

du haut de laquelle on lave les lampes éveillent leur intérêt, tout comme chaque autre activité de moindre importance, tout homme de Budapest est un bitumier qualifié, un travailleur de voie ferrée, un égoutier, un grutier, il est heureux s'il peut intervenir pour aider — ne fût-ce que par un signe de la main — à l'auto manoeuvrant, au grutier se fatiguant à lever le poids, et l'homme de Budapest est vexé, extrêmement vexé s'il ne peut pas se mêler de ce qui arrive à sa ville, dans sa ville. Il craint pour sa ville ; il craint qu'on n'y recoure à des solutions de fortune, qu'on prenne des mesures irréfléchies. Il craint pour elle, car tout en désirant qu'elle s'accroisse, s'élargisse, il aimerait qu'elle reste intime. Qu'elle ne prenne pas des dimensions gigantesques, oppressantes. Par son attachement à l'accoutumance, il semble parfois être conserva­teur. Mais dès qu'il est convaincu que c'est lui que sert le nouveau — fût-ce un pont, un bâtiment-tour, un hôtel ou une mesure — qu'ils ont été faits pour lui et s'in­tègrent à tout ce que nous appelons Budapestois, il en est fier et se sent associé à sa création. Les soucis de la vie des grandes villes pèsent de plus en plus sur nous. Nous ne pouvons encore nullement être contents de l'air de la capitale, des conditions loca­tives, de sa circulation. Les habitants sont déjà devenus Budapestois, mais toujours pas les habitants d'une métropole. Ils y habitent deux millions de personnes, mais on a toujours l'impression que tout le monde connaît tout le monde. Budapest est la ville des « personnes qui se connaissent les unes les autres ». Nous nous intéressons passion­nément à la vie privée de nos prochains, nous savons quelque chose de chacun d'eux. C'est un réflexe de défense, une réaction instinctive pour le sauvetage des rapports humains en voie de relâchement. Pour que cette ville reste vivante. C'est pourquoi nous pleurons chaque arbre abattu, c'est pourquoi nous nous lamentons si une colonie d'habitation devient trop monotone, trop raide. L'homme de Budapest est de nouveau patriote du terroir. C'est ici qu'il veut vivre, c'est ici qu'il veut bien vivre, qu'il veut étre fier, c'est pour cette ville qu'il désire entreprendre quelque chose, afin que sa fierté et son droit de cité soient légitimes. C'est pourquoi ce patriotisme du terroir des temps modernes se caractérise par des indices particuliers. Il ne s'enthousiasme guère, il est même désappointé en entendant l'exclamation extatique : « Mais c'est le Paris du bord du Danube ! » Il ne désire, bien entendu, pas que Paris s'imprègne à l'opinion publique de l'Europe comme « Budapest du bord de la Seine ». C'est Budapest que le patriote du terrain d'au­jourd'hui exige. Ce qu'il désire c'est qu'en prononçant le nom de la ville, il ne soit pas pénétré du sentiment d'une lacune, ni sous le rapport de la ville, ni vis-à-vis de soi-même. Il veut être participant, formateur de la vie de sa ville. Il donne de bon coeur son vote toutes les fois qu'il sent que ceci a de l'importance. Il prend la responsa­bilité lorsqu'il élit et encore davantage lorsqu'il est élu. Il estime plus haut les actes que les idées vagues lors de la réalisation, il revendique l'esthétique de la fonction au lieu du manque d'esthétique dont s'accompagne la nécessité. Cette ville a connu la guerre, elle en a souffert. C'est pourquoi tous ses habitants sauvegardent anxieusement les souvenirs du passé, ils voient se dessiner les contours de l'avenir déjà dans le présent et ils savent aussi que la ville — comme toute vraie

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