Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 25. (Budapest, 2007)
András SZILÁGYI: Mercurius navigans. Un pendentif en forme de bateau provenant de la collection Esterházy
années 1680 prend un intérêt particulier pour nous. Le protagoniste de ces événements fut une des personnalités déterminantes de l’époque: le comte Imre [Eméric] Thököly (1657-1705) que ses adhérents et la majorité de ses compatriotes considéraient comme un chef d’armée glorieux et un politicien audacieux, sinon téméraire. (Fig. 10.) En décembre 1681, Thököly décida d’épouser Ilona [Hélène] Zrínyi (1650?— 1703), veuve de Ferenc I. Rákóczi et fille de Péter Zrínyi, son aînée d’à peu près de sept ans. (Fig. 11.) Son projet, qui nécessitait l’approbation du roi de Hongrie, Léopold I, était motivé par des intentions essentiellement politiques et par là, par des considérations toutes pratiques, à savoir matérielles. Tous les acteurs de l’affaire: les deux fiancés, les conseillers et l’entourage de chacun étaient conscients de ce que les noces en vue ne seraient pas le triomphe d’une passion amoureuse irrésistible mais un mariage de raison préparé avec beaucoup de circonspection. Cette union permettrait au jeune Imre Thököly plein d’ambition et de promesses de devenir bientôt, dès l’automne de 1682, le prince-gouverneur de Haute- Hongrie et non seulement de disposer des domaines immenses que sa femme aurait apportés en dot mais de voir son prestige politique considérablement accru. En tant qu’acteur public, il aurait désormais une référence brillante pour se positionner comme le successeur et l’héritier digne, surtout au sens idéologique et politique du mot, des frères Zrínyi de renommée européenne. C’est à cet idéal qu’il aspirait depuis sa première jeunesse.18 Si notre hypothèse d’après laquelle le commanditaire et l’expéditeur du pendentif de fiançailles en question fut Imre Thököly s’avère juste, une autre particularité essentielle du joyau trouvera aussi son explication. Notamment l’absence de motifs emblémázó. Imre Thököly (1657-1705). Gravure en taille- douce de Simon Thomassin, 1682 tiques de l’amour - figure de Cupidon, coeur transpercé d’une flèche - qui sont les ornements habituels, sinon obligatoires de ce type d’objet d’art, le pendentif en forme de bateau. Dans notre cas spécial, il n’était sans doute pas nécessaire de recourir à ces motifs ornementaux. Notre hypothèse pourrait éclaircir aussi le choix inhabituel de la devise, c’est à dire de l’inscription du revers: la formule avec ses mot-clés Virtus et Fortuna évoquant les membres illustres de la famille Zrínyi, surtout la devise de Miklós Zrínyi. Nous comprendrons également pourquoi cette distance inhabituelle, voire inopportune dans le cas d’un cadeau de fiançailles. Vu les aspirations de Thököly, évoquer Cupidon et l’amour étemel eût été plutôt déplacé. Cette ’impassibilité’ de l’inscription en tant que communication verbale est curieusement contrebalancée par le motif dominant du joyau, notamment sa figure principale. Mercure comme psychopompe sous la 50