Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 23. (Budapest, 2004)
Márta KOVALOVSZKY: Image et discours. Pál Miklós et l'art contemporain
prudent dans ses jugements et circonspect. Si nous prenons la peine de parcourir des yeux la liste ainsi établie de tous ceux dont il apprécia et analysa les œuvres ou la carrière, il en ressort clairement que les créations qui étaient le plus à son goût et le plus proche de son idéal artistique étaient véritablement celles qui se caractérisaient par une grande sérénité, une maturité et un équilibre certain. Quant aux aspirations avant-gardistes, audacieuses, désordonnées, rebelles, prétentieuses et belliqueuses - elles n'ont pas éveillé son attention. De façon cependant très particulière, l'intégrité de Pál Miklós, son intelligence et son goût de l'histoire, son esprit érudit et, qui plus est, sa réputation concouraient, qu'on le veuille ou non, à prendre la défense des jeunes créations artistiques de genre progressiste. Pour en revenir à sa réputation, elle était également relativement mystérieuse. Sans aucun doute sa solide érudition, son inclination notoire pour la théorisation, ses rapports discrets et prudents avec les processus historiques de la politique artistique et culturelle alors d'actualité, de même que le fait que dans les temps les plus difficiles, c'est à dire dans la première moitié des années cinquante, il alla étudier loin de son pays, à Pékin; Tous ces éléments contribuèrent à lui construire une renommé de choix. Le fait qu'il fut éloigné de tout ce qui fut, à l'époque, décisif dans le contexte et la vie de la Hongrie, allégua à son personnage une certaine «innocence» immaculée. Et grâce à cela, il fut en mesure de faire accepter à la politique culturelle officielle de l'époque certaines nouveautés artistiques qui auraient, sans lui, été jugées douteuses. C'est implicitement parlant ce qui donna d'ailleurs à son activité de critique sa véritable importance. Car, si nous lisons ses écrits avec un regard d'aujourd'hui, nous risquons de les trouver, curieusement, en demi-teinte et sans originalité ni intérêt particulier. Pál Miklós n'était pas écrivain à formuler ou à juger de façon tranchante et osée. Son raisonnement, ses longues méditations et sa façon de peser interminablement le pour et le contre, avaient pour objectif de s'exprimer simplement et clairement et non point d'user d'expressions frappantes. En leur temps, c'est à dire, dans la première moitié des années soixante, ces critiques avaient néanmoins un certain poids. Et, à cette époque, Pál Miklós jouait, personnellement, un rôle d'une aussi importante portée - bien entendu, à sa façon et selon ses propres qualités naturelles -, semblable à celui d'un Máté Major, par exemple, qui en dépassant largement le cadre de son domaine professionnel architectural et en usant de son ancienne notoriété héritée des «temps de militantisme», avait toujours pris la défense des tendances dites progressistes et avait toujours soutenu par tous les moyens, leur persévérance et leur avancée sur le terrain glissant et plein d'embûches de la politique culturelle hongroise d'alors. Pál Miklós fut nommé en 1975, directeur général du Musée des Arts Décoratifs de Budapest et occupa cette fonction dix années durant. Les questions et les problèmes pratiques comme théoriques des arts décoratifs lui allaient droit au cœur. Et justement, l'année de sa nomination, il rédigea une étude dans laquelle il y décryptait la pensée philosophique de György Lukács au sujet de l'art décoratifs en la comparant à l'opinion et aux conclusions tirées par des historiens d'art professionnels tels Károly Lyka, Zoltán Felvinczi-Takács. Et l'auteur de ces lignes, en l'occurrence Pál Miklós, a essayé à cette occasion - même schématiquement - de développer, plus précisément, de compléter la pensée de Lukács avec l'analyse d'une nouvelle branche du genre décoratif comme le design. 15 Par ailleurs, déjà des années auparavant, il avait attiré l'attention sur l'importance du design ainsi que sur les difficultés qui empêchaient, en Hongrie, l'éclosion d'un design industriel moderne.' 6 Ce n'est alors pas hasard si au cours de ses activités menées au musée, la création d'une collection de design fut pour lui une des tâches les plus importantes dont il fut investi. Pál Miklós était convaincu de ce que le design industriel ne pouvait être que provisoirement comme il le nommait dans son article «l'orphelin de l'art». Il estimait aussi que les